Figure majeure du cinéma hongrois, Miklós Jancsó fut plus largement l’un des représentants du cinéma d’auteur européen des années 1960 et 70, notamment grâce à Psaume rouge, prix de la mise en scène au festival de Cannes en 1972. Dans la campagne hongroise de la fin du XIXème siècle, des ouvriers agricoles et des paysans se révoltent contre leurs maîtres. Dénonçant la misère et l’oppression capitaliste dont ils sont les victimes, ils voient se dresser face à eux les représentants du pouvoir épaulés par des soldats. En dépit de son ancrage historique annoncé, Psaume rouge privilégie l’allégorie au réalisme, se joue du temps et de l’espace. Ainsi, les coiffures et les vêtements de nombre de personnages sont résolument « modernes » tandis que l’action se déroule dans un champ.
Chants révolutionnaires (La Marseillaise, Ah, ça ira, La Carmagnole), chansons traditionnelles, slogans politiques rythment une sorte de ballet qui prend parfois l’allure d’un happening hippie avec jeunes femmes aux seins nus. Cependant, le peace & love et le flower power attendus, sur fond d’appels à la fraternité, cèdent vite le pas à des affrontements plus rugueux ouvrant la voie à une violence présentée comme émancipatrice.
Lutte finale
Avec son enchaînement de plans-séquences (vingt-sept au total), ses mouvements de caméra extrêmement chorégraphiés, son usage de l’ellipse, son symbolisme et son utilisation de la musique, Psaume rouge illustre à la perfection le cinéma selon Jancsó. Pas de réelle intrigue ici, mais des saynètes – au sens parfois obscur – extrêmement formalistes au service d’un discours messianique sur l’avènement du socialisme grâce au triomphe de la révolution.
Curieusement, bien que venu du stalinisme le plus orthodoxe, Miklós Jancsó fut considéré par certains en Occident comme un artiste critique envers le communisme. La dimension avant-gardiste de sa mise en scène – très loin des canons du « réalisme socialiste » et plus proche dans son esprit iconoclaste de celle d’un Glauber Rocha ou d’un Pier Paolo Pasolini – explique sans doute cette perception tandis que le propos du cinéaste n’effaroucha jamais la censure du Parti communiste hongrois. Plus d’un demi-siècle après sa réalisation, Psaume rouge est surtout le témoignage étonnant d’un cinéma politique appartenant à l’Histoire.
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