Rachid Benzine, la voix du père
Rachid Benzine publie Les silences des pères aux Editions Seuil. Un récit père-fils éblouissant.
Certaines histoires commencent par un drame. Ici, la mort du père. Une nouvelle difficile même si on s’était éloigné de ce père, même si trop de silences avaient créé un fossé. C’est ce qui arrive au narrateur dès le début du texte. Un appel, une mauvaise nouvelle. Il doit revenir près des siens. A trappes. Le lieu de l’enfance, le lieu du souvenir – certains trop douloureux – le lieu enfin des retrouvailles. Retrouver le corps du père qui n’est plus. Le laver, le regarder une dernière fois. Le passé surgit, celui d’un père silencieux, distant et dont on connaît si peu de choses finalement. Puis, il faut trier, ranger, vider les affaires paternelles. Et là une enveloppe dissimulée apparaît. Le fils est intrigué par les cassettes audio qu’il trouve à l’intérieur. Que cachait son père ?
Le récit de la mémoire
Les cassettes sont datées et indiquent des noms de lieux, ceux traversés par le père. Dès les premiers grésillements la voix du père saisit l’espace. Pour la première fois, il se raconte. Une vie d’étonnements pour le fils qui découvre les joies et les peines de son père. La tristesse d’avoir quitté le Maroc, la vie d’immigré et les boulots difficiles qu’il faut accepter pour survivre, l’amour auquel il faut renoncer, puis l’amour malgré tout et les enfants dont un – le narrateur – qui fait sa fierté car il est devenu un grand artiste.
A son tour, le fils part sur les routes, il doit se rendre sur les mêmes lieux que son père peut-être même rencontrer des personnes qui l’ont connu. Qui peuvent le raconter dans une émotion et une tendresse absolues. Et ainsi, tel un puzzle de l’intime réunir toutes les pièces afin de rendre hommage à l’homme d’une vie.
Rachid Benzine avait déjà écrit brillamment sur la mère. Il réussit à nouveau – et tout aussi brillamment – à saisir le lecteur dans ce récit de la pudeur. Il explore les failles et les silences d’un père avec une justesse bouleversante et sans jamais succomber à la tentation de juger ou de condamner. L’auteur reste à la place d’observateur ce qui donne encore plus de force et de lumière à ce texte. Un vrai coup de cœur de cette rentrée littéraire !
Rachid Benzine, Les silences des pères, Seuil.