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Le Ciel rouge un film de Christian Petzold

by Anthony del Puerto

Amours incandescentes

Avec Ondine, sorti en salle en 2020, Christian Petzold consolidait son statut de figure majeure de la Nouvelle Vague du cinéma allemand. Et ce n’est pas son dernier opus qui changera son statut. Un film envoûtant aux mélismes vertigineux.  Une pièce maîtresse dans son œuvre.

Ciel Rouge
Thomas Schubert (Léon), Paula Beer (Nadja), Langstom Uibel (Félix) et Enno Trebs (David) – Crédit : Les Films du Losange

Aujourd’hui sur la côte baltique. Deux amis, Léon et Félix, roulent sur une route forestière en direction d’une maison mise à leur disposition par la maman de Félix afin qu’ils puissent achever des travaux d’écriture, pour Félix un rapport, pour Léon son second roman.  Ils ont besoin de tranquillité et cette demeure au cœur d’une clairière au fin fond de la forêt est le refuge idéal. La voiture tombe en panne et les deux jeunes gens font la suite de la route à travers bois pour s’économiser, bagages sur le dos.  A l’arrivée, ils ont tôt fait de comprendre que la maison est en fait habitée. Nadja, la sœur de Félix l’occupe avec David, son amant.  Leurs ébats nocturnes passent amplement la barrière de cloisons minuscules. Léon ne peut se concentrer. En fait il ne peut rien faire, ni travailler à son livre, ni faire la cuisine, ni aller se baigner. Il est dans sa bulle et ne se rend pas compte qu’il se coupe de tout le monde et de son environnement. Justement, à propos d’environnement, celui-ci est plus que menaçant : la forêt brûle, les flammes sont visibles depuis la maison. Mais au-delà des pins, ce sont surtout ces corps et ces cœurs qui sont en flammes. En véritable autiste, Léon ne s’aperçoit de rien. Et pourtant… Le réalisateur indique lui-même être très marqué pat le cinéma de Rohmer. Ici c’est l’évidence même avec un plus une sensualité incandescente qui confère à ses amours des accents passionnés qui ne peuvent qu’émouvoir. D’autant que, même si Thomas Schubert (Léon), Langstom Uibel (Félix) et Enno Trebs (David) portent en eux tout le naturel des amours interdites, il faut bien reconnaître que le film est aveuglément illuminé par la Nadja de Paula Beer. Comment oublier la vertigineuse profondeur de ses regards ? Seule l’immense Romy Schneider a su s’en approcher…

Cet apparent marivaudage creuse en fait le sillon des affres de la création artistique dans ce qu’elles ont de plus mortifères. Ce thème austère s’articule ici avec une virtuosité et une élégance sans égales au sein d’un quadrilatère amoureux où se combattent Eros et Thanatos. Le final vous réserve beaucoup, mais vraiment beaucoup d’irrépressibles émotions.

Robert Pénavayre

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