Un western sublimé
Sous l’affiche intitulée L’Expérience Almodovar se cachent deux moyens métrages du réalisateur espagnol. Le plus récent, Strange Way Of Life, est projeté en premier. C’est un western dans la plus pure tradition. Situé en 1910, il met en présence un shérif, Jake, qui doit partir à la recherche de l’assassin de sa belle-sœur, alors que revient dans sa vie, après 25 ans d’absence, Silva, un de ses amis, tueur à gages comme ils le furent un temps tous les deux. Les retrouvailles sont amicales mais sans plus, d’autant que Jake pressent que Silva a bien des raisons de passer par ce coin perdu. Dans un premier temps, nous comprenons que les deux hommes furent amants dans leur jeunesse. Jake tente d’oublier, Silva ne pense qu’à ces moments trop tôt et trop vite enterrés. Mais est-ce la seule raison de ce retour fiévreux ? Peu de personnages mais une direction d’acteur éblouissante de virtuosité et d’efficacité. Eclairages, costumes, musique, décor, cadrage, nous sommes dans du très grand Almodóvar qui conjugue ici émotion, non-dits, action, suspense et tout cela en… une demi-heure. Un exploit dont le seul défaut est de nous laisser pantelants au bord de la frustration tant nous aurions souhaité continuer à voir ses deux acteurs : Pedro Pascal (Silva) et Ethan Hawke (Jake) continuer à dérouler la pelote infinie des amours passées.
Tourné en 2020, le second moyen-métrage est une très libre adaptation de la pièce qu’écrivit Jean Cocteau en 1930 et que Francis Poulenc mis en musique sous forme d’un opéra en 1958 : La Voix Humaine. Ce drame intimiste en forme de monologue, met en scène une femme téléphonant à son amant qui la quitte. La version que nous en propose le cinéaste espagnol tient de l’exercice de style. Elle attend son amant qui doit venir chercher ses valises. Ce dernier ne viendra pas. Jouant sur les décors apparents et des costumes aux couleurs somptueuses, ce théâtre dans le théâtre que filme Pedro Almodóvar est l’histoire d’un sevrage amoureux porté ici, il faut bien le dire, par une Tilda Swinton hallucinante de présence dans ce huis clos mortifère. Elle est littéralement doublée par un chien qui essaie, en vain, de recoller les débris d’un temps passé.
On comprend bien la filiation autour du sentiment amoureux qui nourrit ces deux films, mais autant le second est presqu’abstrait, autant le premier est d’une éclatante évidence.
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