La 15ème édition du festival international des littératures policières se tiendra à Toulouse du 6 au 8 octobre autour d’une cinquantaine d’auteurs parmi lesquels Jacky Schwartzmann, Hélène Couturier, Victor Del Arbol, R.J. Ellory, Christophe Guillaumot, Marin Ledun ou Dror Mishani. Entretien avec Jean-Paul Vormus, président de Toulouse Polars du Sud.
Comment est né le festival Toulouse Polars du Sud ? Quel était l’objectif ?
L’association Toulouse Polars du Sud est née fin 2008 et le premier festival a eu lieu en 2009. Nous fêterons cette année la quinzième édition. Les gens à l’origine de la manifestation étaient des lecteurs passionnés par le genre comme moi, des libraires, des bibliothécaires, des écrivains… C’était un petit groupe constitué autour de Claude Mesplède qui fut en quelque sorte le grand initiateur du festival. Nous nous étions rendus compte qu’une grande ville comme Toulouse n’avait pas de festival dédié au polar alors qu’il y en avait quasiment partout. Un bel événement était donc à créer et nous l’avons nommé « Toulouse Polars du Sud » car nous pensions que, par rapport aux auteurs anglo-saxons et scandinaves qui avaient une grande visibilité chez les libraires et dans la presse, une littérature du Sud au sens large – d’Espagne, d’Amérique latine, de Grèce, etc. – méritait aussi largement d’être connue.
Effectivement, Toulouse Polars du Sud a depuis ses débuts mis l’accent sur la littérature internationale, mais sans se focaliser sur les écrivains anglo-saxons et en invitant des auteurs italiens, espagnols, sud-américains, issus des Balkans ou israéliens comme Dror Mishani cette année.
Oui, la particularité de notre festival est d’avoir toujours privilégié une grande ouverture vers l’extérieur. Nous avons environ chaque année entre 30 et 40 % d’auteurs non-francophones. C’est l’un des éléments qui fait notre singularité par rapport à d’autres salons ou festivals plus « franco-français ».
L’invité spécial du festival est Douglas Kennedy, un auteur prestigieux mais qui n’est pas spécifiquement identifié à la littérature noire…
Il n’est effectivement pas un auteur de romans noirs à proprement parler, mais nous ne souhaitons pas être enfermés dans le polar ou le noir au sens strict. J’apprécie que l’on puisse inviter des écrivains qui soient parfois à la limite du genre. Par le passé, nous avons invité des auteurs des éditions de Minuit qui ne sont absolument pas identifiées comme une maison de littérature noire. L’année dernière, Rosa Montero était notre invitée d’honneur bien que ses écrits se situent entre la science-fiction et le polar. Concernant Douglas Kennedy, son premier roman publié en France, Cul-de-sac, l’a été tout de même à la Série Noire. Quant à son dernier, Et c’est ainsi que nous vivrons, on peut considérer qu’il s’agit d’une dystopie assez noire et il a écrit par ailleurs des thrillers.
Le parrain de l’édition 2023 est Giancarlo De Cataldo. Pourriez-vous le présenter ?
C’est un ancien magistrat qui s’est fait connaître par le roman Romanzo Criminale racontant l’ascension d’une famille maffieuse à Rome. Une grande partie de ses livres porte sur cette thématique de la mafia au sein de la capitale italienne. Cet auteur largement reconnu a une œuvre assez abondante derrière lui et nous avons retenu son roman Alba nera pour le prix Violeta Negra. Nous voulions l’inviter en raison de ses livres, mais aussi en tant que parrain puisque l’une des thématiques du festival est consacrée à l’Italie.
On a longtemps évoqué la barrière entre le roman noir et la littérature dite « blanche ». Cette barrière tend parfois à s’effacer. Par exemple, le dernier Bret Easton Ellis est une sorte de thriller. Lors de la rentrée de septembre, Lilia Hassaine publie chez Gallimard dans la Blanche un roman noir dystopique. Vous félicitez-vous de cette porosité ou le polar doit-il selon vous être clairement identifiable ?
Je ne suis pas un puriste du polar comme il peut y en avoir dans ce milieu. J’ai plutôt tendance à préférer les ponts entre la littérature blanche et la littérature noire. Vous citiez Bret Easton Ellis, on peut penser aussi à Colin Whitehead qui a obtenu le prix Pulitzer pour Harlem Shuffle. Nous avons déjà invité quelqu’un comme Yves Ravey publié aux éditions de Minuit et qui a toute sa place, selon, moi, dans un festival de polars. Je suis plutôt favorable au mélange des genres, à l’hybridation.
Parmi les invités de l’édition 2023, il y a notamment Dominique Forma qui a réalisé par ailleurs un long-métrage, La Loi des armes, à Hollywood. Aux Etats-Unis beaucoup d’écrivains de romans noirs passent à la réalisation pour le cinéma ou la télévision. On peut songer à S. Craig Zahler, à Nick Pizzollato qui, auteur d’un unique roman, s’était vu confier la série True Detective par HBO, à Noah Hawley ou encore à des stars comme George Pelecanos, Dennis Lehane ou Richard Price qui produisent ou écrivent pour la télévision ou le cinéma. Comment expliquez-vous que la frontière entre ces deux domaines soit beaucoup plus étanche en France ?
J’ai le sentiment qu’en France on a plutôt l’habitude d’adapter un livre à l’écran sans forcément associer l’auteur au projet ou sans lui proposer de collaborer au scénario. Je ne sais pas réellement pourquoi le fonctionnement n’est pas le même aux Etats-Unis où, effectivement, les écrivains sont beaucoup plus sollicités. Chez nous, DOA et Dominique Manotti avaient eu le projet d’une série télévisée pour une chaîne de télévision, mais celui-ci n’a pas été finalisé et ils en ont fait finalement un roman à quatre mains. Je crois que le milieu du cinéma et de la télévision en France fonctionne beaucoup en circuit fermé même si des auteurs sont parfois sollicités, comme Hugues Pagan par exemple.
Quel auteur rêveriez-vous d’inviter à Toulouse Polars du Sud ?
J’aimerais inviter Jerome Charyn qui a bercé mes lectures il y a bien longtemps. Il n’a pas écrit que du polar, mais j’aime beaucoup ses écrits. Après avoir vécu longtemps entre New York et Paris, il est désormais installé aux Etats-Unis et il est maintenant assez âgé. Je serais aussi très content de pouvoir faire venir des écrivains comme Bret Easton Ellis ou Colin Whitehead.