Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Longtemps plébiscité dans les listes consacrant les meilleurs films de l’histoire du cinéma, le film de Marcel Carné fut la superproduction française tournée sous l’Occupation. Auréolé du succès des Visiteurs du soir, le réalisateur d’Hôtel du Nord et du Quai des brumes a carte blanche malgré des conditions souvent difficiles notamment liées aux pénuries.
Budget, décors (Alexandre Trauner), musique (Joseph Kosma), figurants, casting (Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Marcel Herrand, Maria Casarès…) : rien n’est trop beau pour mettre en images le scénario écrit par Jacques Prévert d’après une idée de Jean-Louis Barrault à propos du mime Baptiste Debureau, personnage réel que l’acteur interprètera dans le film. On retrouve d’ailleurs d’autres personnages ayant existé, comme le comédien Frédérick Lemaître ou le dandy assassin Lacenaire, dans cette histoire qui débute en 1820 à Paris sur le boulevard du Crime et qui va se développer durant un peu plus de trois heures autour de Garance, jeune femme libre, et de ses amours croisées.
Hommage au théâtre (jusque dans son titre puisque le « paradis » désigne les places les plus hautes – et les moins chères – dans une salle), aux comédiens, au spectacle sous toutes ses formes, Les Enfants du Paradis joue de la mise en abyme, entraîne le spectateur dans les coulisses, varie les registres en passant de la comédie au mélodrame amoureux et à la tragédie. De fait, le film n’est pas sans évoquer parfois une « pièce montée » (au sens propre et pâtissier) par quelques détours vers le théâtre filmé et le côté un brin grandiloquent de l’ensemble.
Qualité française
Evidemment, Prévert cisèle les dialogues et les mots d’auteur (« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour ! »). Le « réalisme poétique », illustré entre autres par le tandem Carné / Prévert, est de mise. Sorti en 1945 sur les écrans, Les Enfants du Paradis est un immense succès et porte à son apogée une certaine « qualité française » dont quelques années plus tard la Nouvelle Vague transformera en label infamant.
Romantisme, magnificence de la reconstitution, habileté du scénario, numéros d’acteurs suscitent l’admiration quand d’autres verront là, au film du temps, académisme, clichés, cabotinage, mise en scène paresseuse. Alors, paradis ou enfer ? C’est l’un des charmes du cinéma d’inspirer des sentiments aussi contradictoires…
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