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« L’Atalante » de Jean Vigo

by Léa Vergès

Trois courts-métrages et son unique long-métrage ont suffi à faire entrer Jean Vigo dans le Panthéon du cinéma. S’il a fallu attendre 2021 pour découvrir enfin dans les salles la version de L’Atalante la plus fidèle (et restaurée) à la volonté du cinéaste mort en 1934 quelques jours après la sortie du film, cette œuvre fut toujours considérée comme l’un des meilleurs films jamais réalisés et influença nombre de cinéastes (de la Nouvelle Vague au Kusturica d’Underground). D’un scénario aussi mince qu’une feuille de cigarette, Vigo signe un film ivre de liberté, poétique, vagabond, sensuel.

Voici Juliette et Jean, jeunes mariés qui s’installent sur la péniche, L’Atalante, où Jean navigue en compagnie du père Jules, exubérant marin d’eau douce, entouré de chats et de souvenirs d’aventures exotiques tandis qu’un petit mousse complète l’équipage. La jeune femme s’ennuie, le couple se dispute, Jules tente de recoller les morceaux. Une virée en ville suivie d’une fugue de Juliette plonge son mari dans la détresse. Le mélodrame attendu guette, mais Vigo déjoue les conventions au profit du récit d’un amour sublimé, à la fois incarné et métaphorique.

Esprit d’enfance

Les décors, les éléments (dont les fameuses séquences sous-marines), la musique de Maurice Jaubert, le jeu des comédiens (Dita Parlo, Jean Dasté et Michel Simon inoubliable), la mise en scène usant de plongées et de contre-plongées transcendent la banalité des situations. Vigo filme les corps, le désir, la jalousie, le quotidien le plus prosaïque dans un mélange de lyrisme et de réalisme.

L’esprit d’enfance souffle sur chaque séquence. Michel Simon, tout torse tatoué, fume avec son nombril. Le visage de Dita Parlo s’imprime sur les rétines. Jean Dasté plonge à la recherche de l’amour perdu. La fantaisie et le bizarre s’invitent. Film maudit, mutilé, monté et remonté au fil des ans, L’Atalante a conservé toute sa beauté magnétique défiant avec insolence le passage du temps et les images vite démodées de produits manufacturés.

Christian Authier

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