Non, il n’y a pas eu dans les années 1960 que la Nouvelle Vague française. La preuve avec Le Dieu noir et le Diable blond de Glauber Rocha, œuvre fondatrice du Cinema Novo brésilien. Ce mouvement, également influencé par le néoréalisme italien, s’attacha à montrer certaines réalités brésiliennes, la grande pauvreté, le poids du passé, à rebours des représentations folkloriques en vigueur à l’époque.
Dans les terres arides du Sertão, au nord du pays appelé à renaître, un jeune couple, Manuel et Rosa, tente de s’en sortir. L’homme cherche à négocier un lopin de terre avec son propriétaire avant de tuer celui-ci. Le couple fuit et croise la route de Sebastião, un prédicateur illuminé annonçant un miracle qui sauvera le monde tout en prônant la révolte contre les propriétaires fonciers. Après le sacrifice d’un enfant, Rosa poignarde le prédicateur et, avec Manuel, va rencontrer un bandit de grand chemin lui aussi guidé par une vocation messianique, mais pourchassé par un mercenaire implacable…
Désert sans fin
Le Dieu noir et le Diable blond est en quelque sorte le récit d’une transe collective. Prédicateur, révolutionnaire, tueur : peu importe le maître, les victimes demeurent des victimes, en quête d’un ailleurs, loin d’un quelconque Dieu comme d’un quelconque Diable. Le film de Glauber Rocha, présenté au festival de Cannes en 1964, ouvrant une trilogie complétée par Terre en transe (1967) et Antonio das Mortes (1969), valut au cinéaste une renommée internationale. Soixante ans plus tard, le cinéma de Rocha a vieilli par sa grandiloquence et ses effets, même s’il anticipait (ou accompagnait) certains codes du western spaghetti tout en revendiquant l’influence de Godard ou d’Eisenstein. Des gros plans sidèrent, le noir et blanc sculpte les visages, la musique décalée (Villa-Lobos) donne le contrepoint.
Une nature désolée, l’importance du verbe, la quête d’une liberté peut-être illusoire (le film semble signer au final le deuil de toute révolte condamnée à l’échec) : Le Dieu noir et le Diable blond est le manifeste paradoxal d’une émancipation perdue d’avance, à l’image du héros courant éperdument dans un désert sans fin.
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