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« Le Roman d’un tricheur » de Sacha Guitry

by Léa Vergès

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

Ecrit, réalisé et interprété par Sacha Guitry, d’après son unique roman Mémoires d’un tricheurLe Roman d’un tricheur – sorti en 1936, un an après le roman – est une merveille indémodable, notamment en raison de la narration. En effet, c’est quasi-uniquement une voix off – celle du héros racontant sa vie – qui va alimenter le récit et guider la mise en scène. Voici donc un homme d’une cinquantaine d’années qui écrit à la terrasse d’un café ses mémoires retraçant le cours d’une existence marquée par un paradoxe. Enfant, c’est grâce au vol de quelques pièces dans le porte-monnaie de sa mère qu’il échappa au funeste destin frappant sa famille. Puni de son larcin en étant privé de dîner, le garçon ne mangea pas les champignons vénéneux qui empoisonnèrent mortellement les siens…

Par la suite, après avoir été chasseur et groom dans des restaurants ou de grands hôtels à Paris comme à Monaco, l’homme devient voleur professionnel puis tricheur en endossant le rôle de croupier dans des casinos. A l’instar du vol « fondateur » lui ayant sauvé la vie, il découvre que l’honnêteté le conduit à être puni quand la tricherie lui permet de s’enrichir. Autre paradoxe : c’est en abandonnant son « métier » de tricheur pour devenir un simple joueur qu’il perdra sa fortune.

Artifice et illusion

Le Roman d’un tricheur est la superbe illustration d’un cinéma qui assume son art de l’artifice et de l’illusion, à l’image du générique d’ouverture au cours duquel Guitry présente l’équipe du film. Comédie pétulante, faussement immorale, dont le cynisme est tempéré par l’émotion (celle provoquée par la fuite du temps ou les retrouvailles du narrateur avec le soldat qui lui sauva la vie durant la Grande Guerre), le film avance par ellipses et par digressions.

Le goût du jeu (au sens dramaturgique) et des faux-semblants imprègne cette œuvre éminemment littéraire et totalement cinématographique. L’écriture de Guitry fourmille de trouvailles, d’aphorismes, de formules (« Il m’a dit « Bonjour » comme on dit « Adieu » et « Viens avec moi » comme on dit « Fous-moi le camp » »). François Truffaut et Orson Welles – parmi d’autres – plaçaient très haut Le Roman d’un tricheur. Une fois de plus donc on ne leur donnera pas tort.

Christian Authier


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