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« Le Père adopté » de Didier van Cauwelaert

by Léa Vergès

Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.

Chez l’auteur de Poisson d’amour, prix Nimier 1984, qui obtint le prix Goncourt dix ans plus tard Pour Un Aller simple, on connait le goût pour la fantaisie matinée de mélancolie, le fil rouge de la quête des origines, la tentation d’explorer l’univers des possibles et les vies supplémentaires que nos existences terrestres semblent refuser. Le Père adopté, portrait d’un père et récit d’une vocation d’écrivain, paru en 2007, rassemble et recompose ses inspirations à la lumière d’un père taraudé par la maladie et la souffrance mais métamorphosé en magicien du quotidien par la force d’un élan vital jamais pris en défaut. « Toutes les épreuves de ta vie, tu es ainsi arrivé, presque toujours, par un mélange très personnel de délicatesse et de brutalité, à les convertir en harmonie », écrit van Cauwelaert à la manière d’une conversation ininterrompue avec celui qui fit du jeune Didier un écrivain malgré lui.

L’équilibre délicat et subtil du Père adopté réside dans cette faculté à transformer le plomb en or, le trivial en féerie, le banal en fantastique. De fait, lorsque l’on croise Greta Garbo au restaurant ou que l’on affronte d’autres situations extraordinaires, elles prennent place naturellement dans un quotidien repeint aux couleurs de l’inattendu. Didier van Cauwelaert réunit, sans pathos ni astuces de faiseur, « le chagrin et le rire, le désir et l’eau froide, le suicide et la vie » dans son texte le plus ouvertement autobiographique.

Réconcilier les vivants et les morts

L’écrivain nous souffle que les romans et la littérature sont aussi là pour réconcilier les vivants et les morts, pour enfin délivrer les aveux non formulés et les confessions tues. Il y a beaucoup d’élégance dans cet hommage aussi drôle que poignant qui ne perd jamais de vue la pudeur nécessaire. « – Si jamais tu veux qu’on en parle…, me disais-tu à l’époque. Il y avait, dans tes points de suspension, toute l’affection patiente et attentive que j’éprouve aujourd’hui pour toi, depuis que tu as cessé d’être un simple mortel. » Beaucoup du charme altier et goguenard de ce portrait en forme d’autoportrait réside dans ces points de suspension.

Didier van Cauwelaert nous offre en souriant un requiem allègre, amoureux, inconsolable et joyeux : « Que faire, maintenant, sinon continuer, le cœur gros et l’âme légère ? Continuer à créer, à jouer, à représenter. Tu ne seras plus mon assistant metteur en scène, mais tu resteras toujours mon souffleur. »

Christian Authier

Didier van Cauwelaert, Le Père adopté, Albin Michel

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