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« Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry

by Léa Vergès

Un film choc passionnant

Si vous ignorez ce qu’est la Justice Restaurative, vous n’êtes pas seul je vous rassure. Quoi qu’il en soit courrez voir le dernier opus de Jeanne Herry. Vous en sortirez totalement bouleversé. Un très grand film !

L’objectif de la Justice Restaurative, c’est la libération de l’émotion par la parole. Ainsi se définit ce travail de reconstruction mettant en présence victimes et acteurs de violences de toutes sortes : braquage, violence domestique, vol à l’arraché, etc. En milieu sécurisé, les coupables étant emprisonnés, sous la conduite de bénévoles ayant étudié la démarche, des victimes rencontrent des auteurs de faits délictueux autour d’une table. Le but est de faire parler, tout en sachant que rien ne transpirera. Personne ne se coupe ici la parole, une parole que l’on prend et que l’on quitte à l’aide d’un bâton circulant autour du groupe. Bien sûr hautement documentée sur ce sujet, Jeanne Herry, si elle n’a pas pu assister à une véritable séance, s’est tout de même initiée à la méthode avec des pratiquants. 

Ce que nous montre ce film découvre, du côté des coupables, une ignorance totale des conséquences de leurs gestes sur le mental de leurs victimes. Ils affirment que seuls leurs actes les font avancer et qu’ils n’ont aucune conscience et encore moins de souvenirs de leurs victimes. Ils sont dans le déni complet des fractures psychiques qu’ils provoquent. La discussion entre les participants à ces réunions prend parfois des tournures véhémentes,. Surtout devant le peu de cas que les agresseurs font des dégâts collatéraux.

Mais la force du verbe est telle qu’au fur et à mesure des rencontres, les malfaiteurs finissent par comprendre les mots et les regards perdus, abimés ou furieux qui leurs sont adressés. Tout se joue là. Ce moment de la prise de conscience. Quand le regard distant de l’agresseur devient plus flou, moins assuré, comme envahi par un questionnement, un doute, une réalité qu’il ignorait. Un moment bouleversant empli d’une émotion que l’on a de la peine à contenir…

Pour ce genre d’exercice, Jeanne Herry a réuni, comme d’habitude, un casting parfait. Adèle Exarchopoulos, Leila Bekhti, Gilles Lellouche et Miou Miou se partagent les rôles des victimes, face à Dali Benssalah (décidément hyperlatif !), Fred Testot et Birane Ba. Chacune et chacun aura toutefois son moment de vérité plein cadre. Pas de statut de star ici, seulement des hommes et des femmes meurtris. Ce huis clos qui aurait pu se révéler théâtral est finalement tourbillonnant de vie. Entre reconstruction et rédemption, des cheminements lumineux.

A voir absolument !

Robert Pénavayre

Cinéma

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