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« Suite(s) Impériale(s) » de Bret Easton Ellis

by Bruno del Puerto

Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.

En attendant le nouveau roman de Bret Easton Ellis (le remarquable Les Eclats à paraître le 16 mars), on peut lire ou relire le précédent, Suite(s) Impériale(s), paru en 2010 et manière de suite de Moins que zéro, le premier roman d’Ellis qui en fit une vedette à l’âge de vingt et un ans. Revoici donc Clay, Blair, Julian et les autres une vingtaine d’années plus tard : « Ils avaient fait un film sur nous. Le film était adapté d’un livre écrit par un type qu’on connaissait. Le livre était un truc simple : quatre semaines dans la ville où nous avions grandi et c’était un portrait assez juste, pour l’essentiel. »

De retour à Los Angeles, Clay, devenu scénariste de cinéma, est suivi par une Jeep, puis par une Mercedes, l’épiant jusqu’au pied de son hôtel. Il reçoit des SMS anonymes et inquiétants. Dans sa suite, des objets sont déplacés quand il s’absente. Clay cherche à faire embaucher sur le film auquel il collabore une apprentie actrice, Rain Turner, dont il est tombé amoureux, mais il semble que la jeune femme soit une escort girl très convoitée et aux liaisons dangereuses.

Entre Chandler et Lynch

Suite(s) Impériale(s) baigne dans une ambiance évoquant les romans de Raymond Chandler et les films de David Lynch. La jeunesse dorée de Moins que zéro, trompant son ennui et sa vacuité entre sexe et cocaïne, continue de s’ébattre dans un ballet de faux-semblants et d’ombres. L’âge et l’identité de ces êtres sont aussi flous que des reflets infidèles et que leurs visages déformés par les lumières des portables, les bronzages vaporisés ou les dents blanchies, visages déformés au point de ne plus avoir rien d’humain.

Ellis joue brillamment avec la paranoïa de son héros pour amener le lecteur au cœur d’un cauchemar où les fantômes viennent hanter les vivants. A la fin de Suite(s) Impériale(s), un personnage prévient : « C’est ici que vit le diable ». Le diable est-il dans le déluge de tortures et de crimes sadiques (âmes sensibles s’abstenir…) irriguant les dernières pages ou bien se cache-t-il dans les détails, dans chaque geste, chaque parole de ces êtres désincarnés, incapables d’amour et prisonniers de représentations falsifiées ?

Christian Authier

Bret Easton Ellis, Suite(s) Impériale(s), Robert Laffont Pavillons.

Littérature

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