Récit d’un rêve déchu dans la chanson
Brice Torrecillas est écrivain, journaliste, professeur… et chanteur ! Enfin presque. Son dernier roman, « Comme une chanson », sorti en novembre 2022, est en partie inspiré de sa vie. L’œuvre raconte l’histoire d’un jeune auteur-compositeur essayant de se faire une place dans le monde de la musique. Le parcours du personnage, Boris Beaumont, se déroule à Toulouse au cours des années 80. L’auteur nous en dit plus.
Culture 31 : « J’veux faire des tubes et que ça tourne bien », chantait Daniel Balavoine à la fin des années 70. C’était aussi votre envie il y a trente ans. Comment est née votre histoire d’amour avec la musique ?
Brice Torrecillas : Elle est née bien avant Balavoine, avec Joe Dassin, quand j’étais gamin. Je pense vers mes 10 ans. Joe Dassin était très populaire et – je ne devais pas être le seul – je l’imitais devant la glace en tenant un faux micro. Je rêvais d’être à sa place. Ça passe à la plupart des gens, mais pas à moi, puisque j’ai persévéré dans ce rêve jusqu’à la trentaine. Puis j’ai tourné la page.
Le personnage de Boris Beaumont est en partie inspiré de ce pan de votre histoire mais reste un personnage fictif à qui vous avez modelé une personnalité et des caractéristiques autres. Qui est-il ?
Il est effectivement très inspiré de moi-même mais a subi quelques modifications dans son histoire comme dans sa personnalité. C’est quelqu’un qui prend ses rêves au sérieux, ce qui est plutôt une qualité selon moi. Il a décidé de devenir un chanteur célèbre, par amour de la chanson et par désir de reconnaissance. Il va donc essayer de mettre tout en œuvre pour y parvenir.
Sans vouloir divulgâcher, le roman débute sur un enterrement. Pourquoi ce choix ?
Pour deux choses. D’une part, il s’agit de l’enterrement de celui qui a voulu, le premier, l’aider dans sa quête. Autrement dit, son premier impresario. Et métaphoriquement, il s’agit de l’enterrement de celui qu’il a été, d’une partie de lui-même.
« Comme une chanson » tire un portrait peu reluisant du monde de la musique, empreint de rivalité et de compétition. En avez-vous fait les frais ?
Oui, mais il n’est pas seulement question de ça. Nos confrères et consœurs sont à la fois nos rivaux et rivales. C’est le paradoxe. On partage la même passion mais les places sont chères. Il y a effectivement compétition pour arriver parmi les premiers. Ça doit toujours être le cas aujourd’hui dans ce milieu, comme dans tout milieu artistique. Ensuite, le show business est, quand on s’y approche de près, assez rude. Mais il est également fait de rêves. Il y a le soleil, et l’ombre aussi.
Rien n’est jamais tout noir ou tout blanc.
Tout à fait. Ce qu’il y a de bien dans ce milieu là, et dans la chanson en général, c’est que lorsque les choses sont noires, elles sont très noires, mais quand elles sont blanches, elles étincellent et sont très brillantes.
La chanson est finalement devenue un rêve déchu. Qu’il s’agisse de vous ou de votre personnage, Boris Beaumont. Vous vous êtes alors tous deux tournés vers le métier de professeur, puis, en parallèle, la littérature a comblé ce besoin de vous exprimer par les mots. Aujourd’hui, avec le recul, dans quelle discipline artistique vous êtes-vous le plus épanoui ?
Boris Beaumont devient même un écrivain célèbre. C’est un récit initiatique. C’est-à-dire que c’est quelqu’un qui va découvrir peu à peu ce qu’il est. Peut-être avec amertume au départ. En ce qui me concerne, j’ai fait le deuil de ce destin de chanteur il y a très longtemps, et je m’épanouis vraiment dans cette triple activité de professeur, journaliste et écrivain. Je peux même dire que je suis comblé.
Les propriétés artistiques de la littérature vous conviennent-elles mieux ?
La littérature a certains avantages sur la chanson. L’inverse est vrai aussi mais disons que la littérature permet d’explorer plus profondément les êtres et les choses. Ma manière d’écrire est tout de même profondément influencée par la chanson. Le sens du rythme, le goût des sonorités… La simplicité aussi ! Il faut que les textes soient immédiatement abordables. L’école de la chanson m’a permis de trouver mon style d’écrivain.
Quels chanteurs et chanteuses de variété des années 80 écoutez-vous encore aujourd’hui et vous inspirent ?
J’écoute moins de chansons, mais j’en écoute quand même. Je parle par exemple beaucoup de Julien Clerc dans le roman. Je n’ai jamais cessé de l’écouter, même si, pour être honnête, je n’écoute pas vraiment ses derniers albums. Je vais également citer Alain Souchon et Maxime Le Forestier. Plus près de nous, Vincent Delerm, Julien Doré, ou encore Vanessa Paradis. J’aime beaucoup la variété ! Bien évidemment, j’écoute aussi les classiques de la chanson française, ce qu’on appelle la chanson à texte. Principalement Brassens. Plus que Brel ou Ferré d’ailleurs.
Une phrase pour convaincre les lecteurs de plonger dans les pages de « Comme une chanson » ?
S’ils ont eu des rêves d’enfant, ce livre est pour eux !
Propos recueillis par Inès Desnot
« Comme une chanson » · Éditions Arcane 17