Le ballet Roméo et Juliette est dansé sur une musique de Serge Prokofiev, sur une chorégraphie de Jean-Christophe Maillot. Sur scène, ce sont les Étoiles, les Solistes et le Corps de Ballet de l’Opéra national du Capitole placés sous l’autorité de Kader Belarbi, leur directeur de la danse. Dans la fosse, Garrett Keast dirige les musiciens de l’Orchestre national du Capitole. C’est à la Halle aux Grains du 28 octobre au 3 novembre.
La distribution sera annoncée dans le programme de la représentation. C’est donné dans la version de Jean-Christophe Maillot créée par les Ballets de Monte-Carlo le 23 décembre 1996 à l’Opéra de Monte-Carlo, troupe dont il est le Chorégraphe-Directeur depuis 1993. Elle fait son entrée au répertoire du Ballet du Capitole. La production bénéficie de l’immense avantage de la présence des musiciens de l’Orchestre du Capitole placés sous la direction du chef américain Garrett Keast qui officie essentiellement en Europe. Il n’oublie pas la musique de son pays natal où il dirige souvent, mais tout autant dans les grandes salles allemandes. Opéras et ballets sont très fréquents dans son répertoire.
Au départ, Jean-Christophe Maillot est danseur. Il est engagé, en tant que soliste, dans le prestigieux Ballet de Hambourg, dirigé par John Neumeier. Ce sera un accident au genou qui mettra brutalement fin à sa carrière de danseur. Il va se tourner alors vers celle de chorégraphe et de directeur de compagnie. Dix ans à Tours puis c’est le Rocher de Monaco où il va conduire à l’excellence une troupe de cinquante danseurs pour laquelle, à ce jour, il aura créé plus d’une quarantaine de chorégraphies. Il refuse toute tentative de classification dans ses créations et fréquente la tradition comme l’avant-garde.
Le thème de Roméo et Juliette, Jean-Christophe Maillot le fréquente disons depuis ses premières pointes, le fréquente toujours mais avec une nette tendance à se focaliser plus qu’auparavant sur ce qu’il appelle, le langage des corps, mieux, « le langage amoureux des corps » en n’oubliant surtout pas que cette histoire d’amour, c’est entre deux “ado“. Mais encore, c’est bien Juliette qui l’intéresse davantage, idée qu’il résume en une courte phrase : « Roméo est un amoureux, Juliette est l’amour. »
Dans cette chorégraphie, il va essayer aussi de revoir ces interruptions dues aux applaudissements, sortes de récompenses aux danseurs qui peuvent, dans certaines chorégraphies, être un peu trop envahissantes et “casser“ la narration. Démarche délicate. De même que des accessoires peuvent se révéler non indispensables et détourner l’attention du spectateur et donc nuire au but fixé, à savoir « qu’elle soit recentrer davantage sur cette dimension du vocabulaire amoureux que le corps peut signifier avec la danse. » Autre but fixé, faire en sorte que le spectateur se rende compte qu’il n’y a pas sur le plateau que Roméo, et Juliette. En un mot que chaque danseur existe, et donc faire en sorte qu’il participe à l’action, « et trouver chez chaque danseur sur scène une narration qui fasse sens et qui accompagne l’ensemble de la création elle-même. »
Quant à la fosse, il est exact que c’est bien un plus que d’assister à une représentation de ballet avec la musique créée sur le lieu même et non pas “sortant“, avec plus ou moins de qualité – faisons aimable – de monstrueux haut-parleurs. Sans oublier que c’est LA musique de ballet de Prokofiev sur laquelle vous pourrez en apprendre davantage dans les paragraphes qui suivent. Les chefs qui dirigent souvent des ballets apportent alors un petit plus à la musique concernée (avis tout à fait personnel !)
Cette version du ballet a un côté mythique car elle fut créée en 1996, soit 26 ans d’existence. La raison principale de cette longévité, la qualité des trois protagonistes-danseurs à la création et la qualité des artistes en suivant pour chaque reprise. Sans omettre, toujours les décors dus à une célébrité, Ernest Pignon-Ernest, les lumières de Dominique Drillot et enfin les costumes épurés et intemporels de Jérôme Kaplan. Gage d’éternité !
En 1934, à propos de la musique de son ballet, Prokofiev publie dans un journal national Izvestia, un article intitulé « Chemin de la musique soviétique » : « On pourrait qualifier la musique dont on a besoin ici de « facile et savante », ou de « savante mais facile » … Avant tout, elle doit être mélodique…La simplicité ne doit pas être une simplicité passée de mode, mais une simplicité nouvelle », M. Dorigné, Serge Prokofiev, Fayard, 1994, p. 419
Ce ballet complet possède un élan théâtral et un pouvoir d’expression que ne peuvent égaler les différentes sélections de ses mouvements dans les Suites orchestrales que l’on connaît par ailleurs. En un mot, spectacle pour les amateurs de ballets mais aussi, pour les amateurs de musique de ballets classiques.
Roméo et Juliette est un ballet que l’on peut qualifier d’éternel, avec une histoire banale, c’est sûr, mais universellement répandue. C’est à la fois pertinent et approprié pour n’importe quelle période et le sujet ne perd rien dans des nouveaux récits, quel qu’en soit le lieu et le temps. Si vous avez découvert cette histoire par la pièce de Shakespeare, ou par des adaptations en film, ou par le ballet de danse classique, et même par la danse en ballet contemporain, on constate que c’est puissant et touchant à chaque fois, quel que soit le support. Les danseurs de la troupe connaissent bien sûr l’histoire et ses contraintes et l’on peut alors juger du niveau de leurs prestations dans leur façon de commenter, par leurs attitudes et leurs gestes et la qualité de leurs pas. De par leur jeu et leur danse exquise, ils apportent un côté éclatant à cette tragédie mais aussi à l’époque de la Renaissance italienne à Vérone.
Toute production est très belle pour beaucoup de raisons. La danse, la musique et l’histoire bien sûr, mais aussi visuellement, avec ses décors, ses lumières et ses costumes. La partition de Prokofiev, d’abord, prodigieusement variée, détermine un lyrisme de la musique plus proche de la légèreté et de la grâce que, sur le même sujet, celle de la version de Berlioz ou de la forte tension dramatique de celle de Tchaïkovski. D’une part, nous pouvons y retrouver l’agressivité des deux clans ennemis, la pompe des invités se rassemblant pour le grand bal des Capulet et l’arrogance des Montaigu qui s’y introduisent. D’autre part, et c’est le côté plus intime de l’histoire, il y a l’espièglerie de l’héroïne âgée, ne l’oublions pas, de treize ans, la ferveur enflammée de son amoureux, la passion de plus en plus exaltée de leurs rencontres. Tout cela doit être fort bien rendu par le ballet lui-même, tout comme, entre-temps, la mort qui a commencé à assombrir le déroulement de ce récit de premiers émois, d’abord celle de Mercutio, puis celle de Tybalt et enfin celle des deux tourtereaux qui paient le prix de la désastreuse discorde des deux familles. Pourtant, même ici, Prokofiev évite un pathétisme ostentatoire et c’est surtout par sa délicatesse et sa retenue que la conclusion est impressionnante, dans la fosse comme sur le plateau. À vos mouchoirs !!
Dans un article intitulé « A quoi je travaille actuellement » (1939), Prokofiev explique sa démarche dans Roméo et Juliette : « Je me suis appliqué à imprimer à chaque acte un coloris particulier » :
« Le premier acte, qui a lieu dans le palais des Capulets, offre le spectacle somptueux d’une fête de cette chevalerie féodale dont les traditions surannées écrasent sans merci les germes d’un amour jeune et pur. »
« Pour le deuxième acte, j’ai pris comme fond une fête populaire. La gaîté, la légèreté, l’insouciance qui règnent en font la contrepartie du premier acte. »
« Tout le troisième acte a lieu dans les intérieurs, dans l’intimité où se trame la collision qui amènera le dénouement tragique. C’est l’acte où se déroule le drame passionnel. En conséquence, l’orchestration plutôt intime est celle d’un orchestre de chambre. »
« Enfin, le quatrième acte est si court que je suis presque enclin à le désigner du nom d’épilogue. C’est précisément dans cette brièveté, dans ce langage musical condensé qu’il me semble voir la seule manière de rendre le sujet par des moyens chorégraphiques ».
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Opéra national du Capitole
du 28 octobre au 03 novembre 2022
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