Le futur du Moyen-Âge
Le duo de réalisateurs franco-lituanien nous revient avec une dystopie étouffante, somptueusement filmée et portée par une toute jeune actrice sidérante. Avec le film Vesper Chronicles, bienvenue dans le Moyen-Âge de notre futur.
La Terre est morte ou du moins survit à peine. A la suite de manipulations génétiques, elle est devenue quasiment stérile. Les Terriens sont divisés en deux sociétés. Les uns, les moins nombreux, vivent somptueusement dans des Citadelles inaccessibles alors que le commun des mortels habite dans des campagnes désolées où plus rien ne pousse. En échange d’un produit précieux que leur fournit cette nouvelle plèbe, les messagers des Citadelles donnent des graines qui ne germeront qu’une fois. Dans une improbable masure, la toute jeune Vesper soigne comme elle peut son père grabataire qui ne communique avec elle qu’à l’aide d’un drone. Mais voilà, Vesper a beaucoup lu et en particulier des livres sur la génétique. Devenue une bio-hackeuse redoutable, elle va finir par craquer un code de ces funestes graines. C’est alors que s’abat non loin de chez elle un vaisseau en provenance d’une Citadelle. A l’intérieur une jeune femme dotée de mystérieux pouvoirs…
Nous sommes carrément dans la sf mais non dans un blockbuster avec effets spéciaux toutes les deux secondes. Le scénario nous plonge dans une dystopie, le contraire d’une utopie, dans laquelle la violence, la fracture sociale, la crasse et la peur creusent leurs sillons infernaux. Malgré un budget plus que limité, ce film captive de bout en bout. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord une image qui semble ignorer la couleur mais somptueusement éclairée, faisant maintes fois penser à Rembrandt et Vermeer (excusez du peu !), une mise en scène conjuguant des rythmes décalés donnant au récit un côté « humain » troublant, une direction d’acteur millimétrée achève, sur une BO d’une noirceur insondable, de nous plonger dans les méandres nauséeux d’un avenir que la situation actuelle de notre planète ne nous donne plus la possibilité d’ignorer. Le film est porté par la toute jeune Raffiella Chapman, troublante héroïne de ce qui pourrait être le premier volet d’une saga. C’est elle Vesper dont elle trace un portrait d’une infinie subtilité, tout à la fois éprise de liberté et d’avenir meilleur, mais aussi en quête d’amour familial.
De la sf aux frontières douloureuses avec notre temps.
Déconseillé aux jeunes spectateurs.