Auteur notamment du livre culte A wop bop a loo bop a lop bam boom sur l’âge d’or du rock ou de Triksta, étonnante plongée chez les rappeurs de la Nouvelle-Orléans, Nik Cohn n’est pas seulement celui qui a élevé la critique rock au rang des beaux-arts. La preuve avec Anarchie au Royaume-Uni (traduction française de Yes, We Have No avec clin d’œil aux Sex Pistols) paru en France 2000 et réédité en 2016.
L’écrivain s’était immergé dans l’Angleterre des marges, dans le pays réel qu’il nomme « République ». On y croise des SDF, des squatteurs, des immigrés, des anciens dockers, des chômeurs, des skinheads, de la misère et de la solitude, mais aussi de l’énergie, de la colère, de la vie, une fierté qui refuse d’abdiquer. On songe, bien sûr au Orwell du Quai de Wigan (qui est cité) pour cette peinture des classes populaires où l’empathie ne vire jamais à l’idéalisation. Le thatchérisme était brutal, nous dit Cohn, mais il était possible de « lutter par des méthodes concrètes : manifestations, graffiti, satire, émeutes. »
Anciennes libertés supprimées
Changement de décor et de climat quelques années plus tard. Dans une postface inédite écrite en 2016, l’écrivain confie ne plus rien retrouver de cette Angleterre frondeuse tombée dans « une dépression profonde ». Une grande mutation s’est accomplie : « Sous Tony Blair, et plus tard David Cameron, s’est ancrée une culture du secret. De vastes zones de l’Angleterre ont été vendues à des intérêts étrangers – un consortium sans visage de Hong Kong, par exemple, ou un fonds de pension de Nouvelle-Zélande. Pendant ce temps, Londres devenait la capitale mondiale du blanchiment d’argent, taillée pour servir au mieux les intérêts d’oligarques russes et de petits princes saoudiens. Pour la bourgeoisie et la grande bourgeoisie, cela a entraîné peu d’effets. Elles s’en sont plutôt mieux porté. Mais pour les autres, les résultats ont été catastrophiques. Les emplois ont disparu en masse, les aides sociales ont été réduites, les anciennes libertés supprimées, sans qu’on puisse dire clairement pourquoi, ni à qui attribuer ces décisions ». Et Nik Cohn de voir dans le Brexit « le geste stérile de gens qu’on avait systématiquement privés de leurs aspirations et presque de leur voix. S’ils ne pouvaient plus parler d’espoir, au moins ils pouvaient dire : Allez vous faire foutre. » Punk is not dead…