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« Lucia » de Bernard Minier

by Bruno del Puerto

Avec son dixième roman, Bernard Minier, dont nous suivons toujours avec le même plaisir enthousiaste les enquêtes de Martin Servaz dans la bonne ville de Toulouse, nous fait traverser les Pyrénées pour nous amener à Salamanque.

Le nom seul de cette ville évoque le Savoir. Son université est en effet l’une des plus anciennes d’Europe (1218) encore en activité. Elle renferme une bibliothèque connue pour être l’une des plus fameuses et riches du monde. Quant à la ville elle-même, comme le souligne l’auteur, c’est un décor de cinéma, une incroyable machine à remonter le temps. Entre ses vieux bâtiments, ses ruelles étroites et pavées, tout est réuni pour en faire un personnage de thriller à part entière. Bernard Minier ne s’y est pas trompé. C’est donc dans ce Haut-Aragon qu’il connaît bien, que se déroule l’enquête de Lucia Guerrero, une enquêtrice au caractère bien trempé, au passé douloureux.

Bernard Minier
Bernard Minier

Lucia appartient à l’UCO (Unité Centrale Opérationnelle), en gros l’élite des services de la Police Judiciaire de la Guardia Civil. Les premières pages nous la montrent se confrontant à l’horreur absolue : en haut d’un calvaire, sur une croix, gît nu, martyrisé, le corps d’un de ses jeunes collègues : Sergio. Il est sur cette croix comme en apesanteur, fixé non par des clous ou maintenu par des cordes mais… collé ! Il n’est pas encore mort…

C’est le début d’une enquête qui va remonter le temps. En effet, l’une des connaissances de Lucia a créé au sein même de l’Université de Salamanque un groupe d’étudiants en criminologie (il existe réellement…) qui a mis au point un logiciel, DIMAS, capable de mettre en relation différents crimes non élucidés afin de découvrir le coupable.

Stupeur, un modus operandi traverse les trente dernières années et relie un certain nombre d’affaires sanglantes. Dont celle du malheureux crucifié. Ce modus operandi fait référence à des tableaux de la Renaissance et particulièrement à ceux illustrant les Métamorphoses d’Ovide.

Dans ce magnifique thriller, Bernard Minier glisse subtilement son goût du Savoir à l’ancienne, celui de la lecture universelle. Cette fabuleuse bibliothèque de Salamanque, l’auteur l’a visitée comme on visite un temple, celui de la Vérité et de l’Histoire, toutes choses en conflit flagrant de nos jours avec les principes qui tentent de réguler notre vie : immédiateté, nouveauté, technologie, ignorance du passé et revendication assumée de l’oubli. C’est lui-même qui le dit. Et comme on peut le comprendre !

Autant le savoir avant d’ouvrir ce livre, il va « blanchir vos nuits ».
Et Martin Servaz alors ? Abandonné ? Non, non, il revient dans le monde des survivalistes. Et pourquoi ne pas imaginer cette « guerrière » espagnole croiser la route de notre cher commandant. De belles perspectives, non ?

Robert Pénavayre

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