Le mardi 15 mars dernier, une rencontre avec Hernan Penuela, responsable atelier au Théâtre du Capitole, a pu se tenir à la médiathèque José Cabanis. L’occasion d’en apprendre plus sur ce métier méconnu, et de connaître en bonus, quelques secrets du dernier spectacle du théâtre : Platée.
C’est accompagné d’une étrange mallette qu’Hernan Penuela présente son parcours devant une trentaine de personnes. Rectangulaire, pas plus grande qu’une valise, à l’apparence d’une mini-scène, le public a sous les yeux le condensé de plusieurs mois de travail : une maquette.
“Le chef d’atelier est un chef d’orchestre”
Plus qu’un métier, pour cet artiste colombien, précédemment architecte à Bogota, les décors sont une passion. De ses différentes expériences entre la France et les Etats-Unis, le créateur en retient un quotidien ponctué d’adaptation et de polyvalence. “La scénographie, la création de décors, représentent un savoir-faire très complet. À la fois technique et émotionnel, mon travail demande une souplesse permanente. Mon rôle, c’est de transformer les envies de toutes les équipes en un rendu palpable et réaliste. J’aime à dire que je donne vie aux intentions dans un espace donné”, explique Hernan Penuela.
Derrière chaque décor, ce sont des dizaines de compromis, d’espaces, de matières, et de budgets qui se font face. “Au total, entre la création de la maquette et la construction, des centaines de personnes s’activent autour du projet durant environ six mois. Mon activité est au centre de tous les métiers dans la conception d’un spectacle. Le chef d’atelier est un chef d’orchestre. Je parle métal, bois, mise en scène, dimensions, sécurité, délais et financements. Il faut toujours faire preuve d’intelligence positive, un spectacle n’est jamais vraiment terminé. Il y a toujours des imprévus, mais je trouve que c’est ce qui rend la machine aussi belle que complexe”, précise le responsable. Pour Platée, sa dernière création, un budget décors et main-d’œuvre d’approximativement 35 000€ a été attribué.
Platée : une favela, marais des temps modernes
C’était la première œuvre déprogrammée à cause de la pandémie. C’est donc tout naturellement la première de retour, Platée, de Jean-Philippe Rameau. À la mise en scène de ce projet, le célèbre duo d’humoristes Shirley et Dino, accompagnés d’Hervé Niquet à la direction musicale. L’enjeu pour établir les décors de ce spectacle : allier espace et transpositions actuelles.
En effet, si l’histoire originelle de Platée beaucoup la connaisse, cette nymphe des marais se croyant digne de partager la couche de Jupiter, peu ont imaginé représenter ce récit dans une atmosphère contemporaine. C’est pourtant le pari lancé par le spectacle. “La mise en scène a souhaité transposer l’histoire dans un cadre actuel. Voyez ainsi les marécages remplacés par des favelas, les grenouilles par les habitants d’un bidonville, et les personnages divins incarnés par une population aristocrate”, décrit le responsable décors. Pour illustrer cette ambitieuse vision, la direction décors s’est inspirée de photographies, de reportages, d’objets et d’ambiances colombiennes ou brésiliennes. Le rendu maquette se pare d’une identité colorée, d’une face piteuse presque charmante. Des habitations imbriquées dans un microcosme typique, à mi-chemin entre l’urbain et une nature désinvolte. En bref, le lieu idéal pour incarner cette tragédie réinventée.
“L’ambiance de ce décor est un chaos contrôlé”
D’un point de vue technique, le décor revêt un manteau de métal et de papier astucieusement peinturé. “L’ambiance de ce décor est un chaos contrôlé. La végétation est un peu partout, des clins d’œil italiens s’y cachent aussi. On a travaillé avec beaucoup de plastiques, de bois et de structures métalliques pour faire tenir tout le monde sur scène. Le défi, c’était l’espace pour les danseurs. Jusqu’à très récemment, il a fallu resserrer le tout pour gagner quelques centimètres de mouvement. On en revient à cette notion de consensus. On imagine par le travail qui peut se cacher derrière un décor”.
“Sans vouloir faire de promo, le rendu vaut le détour. Le concept des metteurs en scène a été poussé jusqu’au bout, sans être ridicule. On est face à un opéra-ballet vraiment beau”, conclut monsieur Penuela.
Platée se tient au Théâtre du Capitole du 19 au 24 mars 2022.