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Orchestre national du Capitole – Fuad Ibrahimov (direction)

by Administrateur

De Claude Debussy à Igor Stravinski

Ce sera pour le grand concert en date du vendredi 25 mars à 20h à la Halle aux Grains. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse sera sous la direction du chef Fuad Ibrahimov pour interpréter de Debussy, Nocturnes, triptyque symphonique dans lequel le volet final, Sirènes, nécessite un chœur de seize femmes de l’Orfeón Donostiarra. Suivront deux pièces de Stravinski, la Suite de ballet Pulcinella,  puis, Petrouchka, Scènes burlesques en quatre tableaux.

Fuad Ibrahimov © Irina Weinrauch

Le déroulement du concert sera le suivant :

Nocturnes
Nuages
Fêtes
Sirènes – avec chœur de femmes   Durée : 8’-8’-12’

Suivi de Pulcinella et Petrouchka d’Igor Stravinski (détails plus loin).

La version définitive de la pièce de Claude Debussy intitulée Nocturnes lui coûta deux années de  travail, de fin 1897 à fin 1899. Elle exige un orchestre relativement fourni. Les deux premiers volets, Nuages et Fêtes furent créés en 1900, et fort bien accueillis. Chacun dure environ huit minutes. Il faudra attendre un an de plus pour avoir le triptyque complet, le dernier volet, Sirènes, étant de mise en place délicate, ne durant qu’une douzaine de minutes avec seize choristes féminins, ici membres de l’Orfeón Donostiarra dirigé par le chef de Chœur José Antonio Sainz Alfaro. Concernant Nocturnes, le compositeur lui-même a rédigé un commentaire qu’il paraît utile de vous livrer tout en ayant à l’esprit qu’en cette période l’influence russe est capitale en tous les domaines artistiques et incontournable côté musique, et danse. Les Ballets russes à Paris, c’est pour bientôt. « Le titre Nocturnes veut prendre ici un sens plus général et surtout plus décoratif. Il ne s’agit donc pas de la forme habituelle de “nocturne“ mais de tout ce que ce mot contient d’impressions et de lumières spéciales.

Orchestre national du Capitole et l’Orfeón Donostiarra

Nuages, c’est l’aspect immuable du ciel avec la marche lente et mélancolique des nuages, finissant dans une agonie grise, doucement teintée de blanc. {La marche lente est constituée par un fond sonore mouvant créé par les cordes, extrêmement divisées, jusqu’à douze parties de violons.  La pièce prend fin sur un decrescendo envahi de ténèbres. Tout n’est plus que silence.}

 Fêtes, c’est le mouvement le rythme dansant de l’atmosphère avec des éclats de lumière brusque, c’est aussi l’épisode d’un cortège (vision éblouissante et chimérique) passant à travers la fête, se confondant en elle, mais le fond reste, s’obstine, et c’est toujours la fête et son mélange de musique, de poussière lumineuse participant à un rythme total. Comme dans Nuages, c’est le silence qui prévaut. Mais Fêtes, c’est peut-être la vision musicale d’une des plus impressionnantes cérémonies qui eurent lieu à Paris lors de la visite du tsar Nicolas II accompagné de la tsarine Alexandra, en octobre 1896, pour sceller l’Alliance franco-russe ? Debussy a pu être grandement impressionné par les célébrations fastueuses qui eurent lieu alors. Le pont Alexandre III fut alors inauguré. On peut toujours évoquer ces faits historiques malgré toute la tragédie de la période actuelle……On peut aussi citer du poème de Joseph de Heredia à l’origine de la pièce, le vers suivant Car le poète seul peut tutoyer les rois, soulignant le droit de l’artiste, fût-ce en république, à partager la gloire d’un monarque.

Orfeón Donostiarra © Romain Alcaraz

Sirènes, c’est la mer et son rythme innombrable, puis parmi les vagues argentées de lune, s’entend, rit et passe le chant mystérieux des sirènes. » Sopranos et altos prêtent leurs voix aux séductrices sirènes. C’est bien la complexité polyrythmique qui rend cette pièce de douze minutes remarquable, cette sorte de flux et reflux permanent jusqu’à ce que les voix de la mer se taisent. Tout se fond une nouvelle et dernière fois, dans le silence et la paix nocturnes.

Précisons encore avec Debussy que les nuages furent ceux de Paris (… « une nuit, sur le pont de Solférino…la Seine, sans une ride, comme un miroir terni. Des nuages passaient… »), et les Fêtes, celles du Bois de Boulogne (Une retraite aux flambeaux, le soir, aux bois… Puis les cavaliers de la garde républicaine, resplendissants,…et les clairons qui sonnaient leur fanfare… »). Tout – cela se remarque facilement – procède ainsi de touches visuelles.

Igor Stravinsky en 1921 – Photo de  Robert Regassi

Pulcinella : “Suite d’orchestre“ tiré du ballet en un acte. Cette suite réunit onze numéros sur les 19, donnés dans le même ordre, sur une durée d’environ 22 minutes. Pulcinella, c’est l’étonnant mariage du XVIIè italien et du XXè… Pulcinella de Polichinelle, dans la commedia dell’arte, est un ballet rendant hommage à l’ottocento avec une musique dans la veine tout à fait typique des grandes pages du compositeur, œuvre pour laquelle il gardera tout au long de sa vie la plus grande affection, dirigeant lui-même la Suite d’orchestre, lors de son dernier concert public en 1967, le 17 mai à New-York, à 85 ans. « Cette partition fut une découverte du passé, l’épiphanie qui a rendu possible tout le reste de mon œuvre à venir. C’était un regard en arrière, certes, la première histoire d’amour dans cette direction, mais c’était aussi un regard dans un miroir ». 1962.

Tour à tour, folkloristerévolutionnaireprovocateur ou pasticheur, celui qui écrivit dans le style de Machaut, Palestrina, Bach, dans le style baroque, ou galant, ou celui de Pergolèse (ce Pulcinella)  ou de Mozart, de Tchaïkovski, de Debussy même et sans oublier le style de la trilogie des musiciens de l’École viennoise, ce compositeur donc, a accompli le parcours le plus déconcertant qui soit parmi les créateurs de son époque. Il pratiqua envers lui-même un perpétuel renversement des tendances, trahissant sans cesse ses adeptes comme ses détracteurs. Une démarche artistique rappelant en bien des points celle d’un certain Picasso dont il était l’ami. Fait remarquable, il sut puiser à toutes les sources sans cesser d’être, au bout du compte, lui-même. Qu’il fasse du Bach ou du jazz, il écrit toujours du Stravinski.

Petrouchka : partition novatrice, elle fut composée en 1911, deux ans avant le Sacre du printemps, et révisée en 1947. D’une durée de 35 minutes environ, elle offre plusieurs options interprétatives suivant que l’accent est mis plutôt sur le symphonique ou sur l’aspect musique de ballet. Fait assez rare pour être souligné : nous avons une version enregistrée par le compositeur lui-même en 1960, version toujours reconnue à l’aveugle comme l’une des meilleures, d’un impact physique et intellectuel total, une référence.

Décor du premier tableau d’Alexandre Benois à la création du ballet Petrouchka en 1911

Un peu d’histoire : En 1910, Stravinski, 28 ans, est à Lausanne, sa femme prête à accoucher. De Venise, remonte de vacances Serge de Diaghilev avec son petit protégé, le danseur Nijinski. Le compositeur lui parle d’une sorte de “Konzertstück“ pour piano et orchestre, dont le premier mouvement est déjà achevé. « En composant cette musique, j’avais nettement la vision d’un pantin subitement déchaîné qui, par ses cascades d’arpèges diaboliques, exaspère la patience de l’orchestre, lequel, à son tour, lui réplique par des fanfares menaçantes. Il s’ensuit une terrible bagarre qui, arrivée à son paroxysme, se termine par l’affaissement douloureux et plaintif du pauvre pantin. Ce morceau bizarre achevé, je cherchai pendant des heures en me promenant au bord du Léman, le titre qui exprimerait en un seul mot le caractère de ma musique et conséquemment, la figure de mon personnage…Un jour, je sursautai de joie. Petrouchka ! L’éternel et malheureux héros de toutes les foires, de tous les pays ! C’est bien ça, j’avais trouvé mon titre ! » Chroniques de ma vie.

Michel Grialou

Orchestre national du Capitole
vendredi 25 mars 2022
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