Un livre pour le week-end : Dénoncez-vous les uns les autres de Benoît Duteurtre
Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Il y a plusieurs veines chez Benoît Duteurtre, prix Médicis 2001 pour Le Voyage en France, qui depuis une trentaine d’années construit une œuvre atypique dans le paysage littéraire hexagonal. L’écrivain excelle aussi bien à ressusciter des époques à la fois proches et lointaines (La Mort de Fernand Osché), qu’à creuser un sillon autobiographique ne se cantonnant pas à « l’ego-fiction » (Les Pieds dans l’eau), sans oublier de signer des manières de fables inscrites dans une proche anticipation (La Petite Fille et la cigarette). C’est à cette dernière inspiration que se rattache son nouveau roman : Dénoncez-vous les uns les autres.
Mao, cadre culturel à la retraite, né en 1967, conserve quelque nostalgie pour le monde d’avant quand l’alimentation carnée n’était pas mise au ban de la société et que de tels petits plaisirs agrémentaient l’existence. Comme la plupart, il s’est plié aux injonctions de son époque. N’a-t-il pas, avec son épouse Annabelle, prénommé leur fils Barack en hommage au premier président américain de couleur ? En dépit de sa bonne volonté, Mao va être accusé des pires turpitudes parmi lesquelles celle d’avoir brisé la vie d’une femme…
Kafka à l’heure de #MeToo
Comme tout bon satiriste, Benoît Duteurtre force le trait, mais pas trop. Le monde qu’il décrit ne fait qu’extrapoler certaines tendances du nôtre. Dans Dénoncez-vous les uns les autres, la libération de la parole censée abattre la « domination masculine » et lutter contre les discriminations ne s’embarrasse plus de précautions. La présomption de culpabilité règne, les suspects doivent prouver leur innocence, la prescription n’est plus de mise, une Brigade rétroactive veille et les accusateurs sont anonymes. La délation est même devenue « un devoir et un acte de courage ». Bref, pour combattre le harcèlement, on ne cesse de harceler. C’est Kafka et la Révolution culturelle chinoise à l’heure de #MeToo, du woke et de la cancel culture.
Ce drolatique roman vaut aussi pour ses personnages. Une jeune fille, prénommée Robert afin de déjouer « les stéréotypes de genre », cultive son esprit critique. Sa rencontre avec Giuseppe, vieux libertaire allergique à son temps, réserve des surprises. On songe à Marcel Aymé en lisant Duteurtre qui partage avec l’auteur du Confort intellectuel un regard acerbe, narquois, insolent, mais jamais dépourvu de tendresse.
Mao, cadre culturel à la retraite, né en 1967, conserve quelque nostalgie pour le monde d’avant quand l’alimentation carnée n’était pas mise au ban de la société et que de tels petits plaisirs agrémentaient l’existence. Comme la plupart, il s’est plié aux injonctions de son époque. N’a-t-il pas, avec son épouse Annabelle, prénommé leur fils Barack en hommage au premier président américain de couleur ? En dépit de sa bonne volonté, Mao va être accusé des pires turpitudes parmi lesquelles celle d’avoir brisé la vie d’une femme…
Kafka à l’heure de #MeToo
Comme tout bon satiriste, Benoît Duteurtre force le trait, mais pas trop. Le monde qu’il décrit ne fait qu’extrapoler certaines tendances du nôtre. Dans Dénoncez-vous les uns les autres, la libération de la parole censée abattre la « domination masculine » et lutter contre les discriminations ne s’embarrasse plus de précautions. La présomption de culpabilité règne, les suspects doivent prouver leur innocence, la prescription n’est plus de mise, une Brigade rétroactive veille et les accusateurs sont anonymes. La délation est même devenue « un devoir et un acte de courage ». Bref, pour combattre le harcèlement, on ne cesse de harceler. C’est Kafka et la Révolution culturelle chinoise à l’heure de #MeToo, du woke et de la cancel culture.
Ce drolatique roman vaut aussi pour ses personnages. Une jeune fille, prénommée Robert afin de déjouer « les stéréotypes de genre », cultive son esprit critique. Sa rencontre avec Giuseppe, vieux libertaire allergique à son temps, réserve des surprises. On songe à Marcel Aymé en lisant Duteurtre qui partage avec l’auteur du Confort intellectuel un regard acerbe, narquois, insolent, mais jamais dépourvu de tendresse.
Dénoncez-vous les uns les autres • Fayard