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Orchestre national du Capitole de Toulouse – Thomas Guggeis (direction)

by Administrateur

Samedi 6 novembre à 20h, voici réunies ces deux partitions dans un même concert placé sous la direction du chef Thomas Guggeis et interprétées par les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. La première fut écrite par Maurice Ravel et la seconde par Gustav Mahler.

Thomas Guggeis

Thomas Guggeis, encore une de ces jeunes pousses, “bourrée“ de talent, qui vient diriger les forces plus que vives de notre orchestre de renommée internationale. Il a été assistant d’une gloire de la direction d’orchestre, exerçant toujours, un certain Daniel Barenboim. Thomas Guggeis fut pianiste-répétiteur au Staatoper de Berlin. Sur le seul plan de la direction de  productions d’opéras, durant la saison 20-21 et en suivant, dans cette salle mythique de Berlin, ou d’autres en Allemagne, le jeune homme a ou va diriger Le Vaisseau fantômeTannhaüserHansel et GrëtelSalomé, ni plus, ni moins !! On peut rajouter Jenufà, Die tote StadtLohengrin… Cela fait ainsi déjà plusieurs années qu’il dirige des opéras, et quels ouvrages ! Sur le concert donné en mars 2021, sans public à la Halle, vous serez éclairés par le compte-rendu donné par notre ami Hubert Stoeklin qui ne tarit pas d’éloges sur les qualités de ce fringant jeune homme de 27 ans. Je pense qu’il le verrait fort bien à la tête de l’ONCT. Après tout, Thomas aurait presque le même âge que Tugan quand ce dernier fut nommé en mai 2008. Courant 2022, il va quand même diriger à Berlin, Elektra, SaloméJenufa, Die tote Stadt Lohengrin, et il vient de diriger Peter Grimes à Vienne.

Ouverture de concert avec Ma Mère l’Oye,  splendide mise en musique de contes célèbres qui doit sa notoriété actuelle à sa musique en tant que musique de ballet, version intégrale particulièrement riche d’exploitations potentielles. En effet, elle tire son origine des Cinq Pièces enfantines pour piano à quatre mains que Ravel conçut entre 1908 et 1910 pour quelques enfants d’amis. L’année suivante, le Directeur d’un certain Théâtre des Arts lui suggéra de les orchestrer en vue d’en faire une musique de ballet. Ce que fit l’un des plus grands orchestrateurs de la première moitié du XXè siècle, au cours de la fin de l’année 1911. Nanti d’un métier qu’il maîtrise magistralement, sa palette orchestrale riche et variée va se déployer en une œuvre d’une efficacité étonnante tout en évitant tout excès ou surenchère. Pour celle-ci, il va lui-même rédiger l’argument, s’inspirant de contes à la fois de, Perrault mais aussi de la comtesse d’Aulnoy et de madame Leprince de Beaumont. À la suite écrite en 1910, il va rajouter le Prélude et La danse du rouet, ainsi que les interludes prévus pour les changements de tableaux. Il place encore les fameux Entretiens de la Belle et la Bête juste après la Pavane de la Belle au bois dormant. L’Apothéose est titrée Le Jardin féerique aux thèmes lents et solennels comme la volée de cloches qui, à la fin, nous invite à abandonner ce joli rêve tandis que le Prélude qui nous y avait plongés, lent et majestueux, avait su imposer l’atmosphère étrange des contes de fées. Pendant ce temps, du bruissement de plus en plus sonore de l’orchestre émerge le monde merveilleux de ces contes.

Maurice Ravel

Intense poésie, raffinement extrême, les pièces qui se succèdent ne sont que douce innocence.

Prélude
Danse du rouet et Scène
Pavane de la Belle au bois dormant

Les Entretiens de la Belle et de la Bête : la pièce  fonctionne sur le principe d’une forte caractérisation individuelle des deux personnages : à chacun d’entre eux sont attribués une mélodie et un instrument : un thème de valse gracieusement balancé, à la clarinette, pour la belle ; une mélodie menaçante, ponctuée par les battements graves de la grosse caisse, et revêtue du timbre grinçant du contrebasson pour la bête.

Petit Poucet
Interlude
Laideronnette, Impératrice des pagodes
Le Jardin féerique 

La création du ballet eut lieu le 28 janvier 1912

Gustav Mahler

Das Lied von der Erde ou Le Chant de la Terre pour orchestre et voix de mezzo-soprano, Tanja Ariane Baumgartner et de ténor, Attilio Glaser« Nostalgie et infini sont les deux rives de cette musique. » Gil Pressnitzer

D’origine allemande, Tanja Ariane Baumgartner, compte actuellement parmi les plus grandes mezzo-sopranos du moment, munie d’un répertoire déjà conséquent comptant parmi les plus grands rôles dans sa tessiture. Les faits saillants récents incluent des représentations de Fricka (Rheingold/Walküre ) au Festival de Bayreuth 2017 ainsi que cette saison au Lyric Opera de Chicago. Dans d’autres performances remarquables, on peut citer sa célèbre Cassandre (Les Troyens) à l’Opéra de Francfort et ses débuts spectaculaires dans le rôle d’ Ortrud (Lohengrin) au Staatsoper de Hambourg. Sa saison 2017/18 comprenait un prise de rôle dans Kundry (Parsifal) au Vlaamse Opera à Anvers et Clarion dans une nouvelle production de  Capriccio  à Francfort. À l’été 2018, Tanja Baumgartner est revenue au Salzburger Festspiele, où elle a chanté Ague/Venus dans une nouvelle production de Heinz-Werner Henze  (The Bassarides ) sous la direction de Kent Nagano. Les performances futures se signalent par des concerts avec l’Orchestre Philharmonique de Munich, l’Orchestre de Radio France, ainsi que des apparitions à l’Opéra de Francfort, à l’Opernhaus de Zürich et au Staatsoper de Hambourg.

Courant 2022, elle abordera Brangaene dans Tristan à Lyon, Clytemnestre dans Elektra à Genève, Venus dans Tannhaüser à Hambourg.

A gauche Tanja Ariane Baumgartner

Quant à Attilio Glaser, son premier réel succès fut son rôle du Duc de Mantoue dans Rigoletto à Berlin, puis le rôle titre dans La Clémence de Titus de Mozart. Il sera Froh dans L’Or du Rhin à Berlin, Idoménée de Mozart dans le rôle-titre à Berne. Mais il fut déjà Narraboth dans Salomé à la Scala de Milan sous la direction de Zubin Mehta en 2021.

Attilio Glaser © Simon Pauly
Attilio Glaser © Simon Pauly

Quelques pages à teneur pédagogique pour ceux qui le souhaitent ! pour mieux appréhender ce pur joyau.

Description de l’œuvre ayant pour titre : Das Lied von der Erde

Genre: premier modèle original de la fusion totale du lied et de la symphonie. Même si l’œuvre n’appartient pas officiellement au catalogue symphonique du compositeur, Mahler a bien réalisé ici une « Symphonie pour voix et orchestre ».

« Le Chant de la Terre », une symphonie pour ténor et contralto (ou baryton) et orchestre (d’après La Flûte chinoise de H. Bethge). Titre définitif attribué par Mahler au cours de l’hiver 1909-10. Publié à Vienne, chez Universal Edition. Mahler n’osa pas la baptiser de Neuvième Symphonie par pure substitution. Il avait trop en tête que les Neuvièmes chez Schubert, Beethoven, Bruckner leur furent fatales.

Auteur: Gustav Mahler, né à Kalischt (Bohême) le 7 juillet 1860 –  mort à Vienne le 18 mai 1911. Les poèmes sur lesquels il se penche arrivent durant une période où sa fille aînée vient de décéder de la scarlatine (1907), son médecin lui apprend sa grave maladie cardiaque, et il doit quitter Vienne où sévit un climat malfaisant. Il abandonne donc sa fonction de directeur de l’orchestre de l’Opéra de Vienne.

Création posthume les 19 et 20 novembre 1911 à Munich sous la direction de son ami Bruno Walter, en présence de tous ses fidèles. Création française: le 27 mai 1929 au Théâtre des Champs-Elysées (Paris), direction 0skar Fried.

Hans Bethge (1876-1 946), docteur en philosophie, écrivain et poète vivant à Berlin, adapta une quarantaine de poèmes chinois des Vlllè et lXè siècles qu’il traduisit en allemand, non à partir de leur langue originale mais de versions d’origine française, anglaise et allemande. Publié à Leipzig en 1907, le recueil de Bethge connut très rapidement un immense succès dans les pays germaniques.

Gustav Mahler sélectionne sept poèmes, réunissant les deux derniers dans le sixième mouvement. Et pourquoi la Chine ? Tout simplement parce qu’elle est alors à la mode !! Expo universelle, orientalisme, ……

1) « Das Trinklied vom Jammer der Erde » (Chanson à boire de la douleur de la Terre), d’après Li-Tai- Po. Mahler effectue quelques modifications, et supprime deux vers. Le poème évolue de la révolte suscitée par le vin à la conscience lucide du monde tel qu’il est: «Toi, homme, tu n’as pas cent ans pour jouir de toutes les vanités pourries de la terre!» Chacune des quatre strophes se conclut par le vers «sombre est la vie, sombre est la mort!»

2) « Der Einsame im Herbst » (Le solitaire en automne), d’après Tchang-Tsi. Mahler ne modifie que très légèrement le poème. L’homme, seul face à lui- même, pleure la mort prochaine de la nature en hiver. Mais à la fin du poème, il en espère le renouveau.

3) « Von der Jugend » (De la jeunesse, titre définitif de Mahler – titre original conforme à celui de Bethge: Le Pavillon de porcelaine), d’après Li-Tai-Po. Infimes modifications du texte de la main de Mahler. Sans doute le poème qui évoque le plus précisément le charme et les climats de la Chine, avec l’étang, son pavillon de porcelaine, le pont de jade, les habits de soie, le croissant de lune.

4) « Von der Schönheit » (De la beauté : titre de Mahler. Titre de Bethge: Sur ta rive), d’après Li-Tai-Po. Mahler réalise ici de profondes modifications dans le poème, qu’il allonge considérablement. Ce poème est contrasté, commençant dans la grâce, celle des jeunes filles cueillant sur la rive des fleurs de lotus, pour culminer dans le galop de fiers coursiers montés par de beaux jeunes gens, avant de retourner au tendre murmure des belles jeunes filles au regard plein du désir provoqué par l’apparition des cavaliers. Ici aussi, l’ambiance est celle de la Chine.

5) « Der Trunkene im Frühling » (L’homme ivre au printemps. titre de Mahler. Titre de Bethge: Le buveur au printemps), d’après Li-Tai-Po. Peu de modifications de Mahler. L’homme boit pour oublier sa peine. Son attention est soudain attirée par le chant d’un oiseau qui annonce la venue du printemps. Mais, « que m’importe le printemps, laissez- moi donc à mon ivresse! »

6) « Der Abschied » (L’Adieu »). Mahler regroupe dans ce lied deux poèmes du VIIIè siècle, signés de deux amis qui se rendent mutuellement hommage. Ces strophes évoquent l’éternel renouveau de la nature. Le premier poète attend l’ami pour jouir avec lui des splendeurs du soir. Lorsque le second arrive enfin, c’est pour lui adresser un chant d’adieu. Elles inspirèrent à Mahler non seulement l’une de ses pièces les plus poignantes, mais aussi quelques-uns de ses vers personnels les plus bouleversants, notamment les cinq derniers: « Mon cœur est paisible et attend son heure. Partout la terre bien-aimée refleurit au printemps et verdit à nouveau! Partout, et éternellement, éternellement des lueurs bleuâtres scintillent à I’ horizon. Eternellement… »

Le Chant de la Terre exploite au maximum la technique de la variation continue, l’unité étant donnée par une cellule (la-sol-mi) qui parcourt l’œuvre de bout en bout, transformée et variée à l’infini, et donne le sentiment d’une liberté absolue sur le plan tonal. Les six mouvements sont confiés alternativement au ténor (1-3- 5) et à l’alto (ou au baryton) (2-4-6). L’alliance la plus fréquemment rencontrée, c’est mezzo/ténor. Malgré sa richesse, l’orchestre n’est exploité dans sa totalité qu’à de très rares occasions. Mahler utilise la variété de sa palette instrumentale uniquement pour jouer des couleurs et des timbres, donnant ainsi le sentiment d’une mouvance infinie, comme si l’orchestre était constitué d’innombrables personnages. Parmi les instruments peu habituels dans un orchestre symphonique, on notera: 2 (!) harpes, célesta, mandoline, glockenspiel (clochettes, tam-tam). Par contre, clarinette, hautbois et flûte vont être à la fête. Sur les dernières mesures de la partition, Mahler a écrit « en mourant ». Et en apesanteur de la musique et du monde, cette musique n’en finira jamais.

Orchestre National du Capitole © Dominique Viet

Quelques points de repère

I – « Allegro pesante » (Chanson à boire de la douleur de la terre – ténor) : le matériau thématique est exposé dès les mesures initiales. Le motif cyclique de la symphonie se présente pour la première fois dans sa forme originale aux violons. Le ténor fait son entrée à pleine voix. Les deux premières strophes du poème s’enchaînent presque sans interruption. La dernière est précédée d’un long interlude orchestral. Lorsque le chant réapparaît, le ton est plus rêveur et poétique. Mais, après la vision fantomatique du singe où la tension est à son comble, le morceau se conclut sur une couleur tragique. environ 8 mn

II – « Un peu traînant » (Le solitaire en automne – contralto) : dans ce mouvement lent de symphonie, la texture instrumentale est admirable de transparence, l’orchestre étant traité comme un véritable ensemble de chambre, avec ses longues guirlandes de croches tenues dès le début par les violons et la magnifique cantilène du hautbois. La solitude de l’homme est suggérée par la nudité des lignes et la stabilité du rythme. Le morceau se conclut dans un climat de sereine résignation. 9 mn

III – « A l’aise, gai » (De la jeunesse – ténor) : ce mouvement, le plus court du cycle, et les deux suivants peuvent être considérés soit comme faisant à eux tous office de scherzo, soit, pris séparément, d’intermèdes. Comme pour le lied  n°4, l’orchestration de ce morceau est celle qui évoque le plus l’Orient. L’emploi du triangle dès la première mesure et les notes pointées apparaissant tout d’abord au cor soulignent la délicatesse des vers. 3 mn

IV- « Comodo. Dolcissimo » (De la beauté – contralto) : comme dans le lied n°3, l’orchestration est réduite, mais l’abondance des bois, harpes, glockenspiel évoquent la préciosité de l’Orient. Pourtant, au centre du morceau, un mouvement de marche, vif, agité, Mahler exploite pour l’unique fois l’orchestre dans sa toute puissance. A l’entrée de l’allegro, le tuba basse fait sa seule et brève apparition. La soliste a ici une partie difficile, essentiellement dans la quatrième strophe, où elle doit chanter huit mesures en un seul souffle, alors que le rythme se fait de plus en plus tendu. Puis le lied, enfin pacifié, s’éteint doucement. environ 7 mn

V – « Allegro. Hardi mais pas trop vite » (l’homme ivre au printemps – ténor): ici aussi, atmosphère orientale. Les strophes sont reliées entre elles par une ritournelle présentée dès l’introduction. Ce morceau est magnifiquement évocateur, « Dans ce morceau, écrivait le philosophe Adorno, la solitude de l’homme s’exacerbe en une ivresse où le désespoir se mêle à l’exaltation, avec une absolue liberté, dans une région déjà voisine de la mort »environ 4 mn

Vl – « Lourd » (« L’Adieu » -contralto): les deux poèmes retenus (et complétés) par Mahler sont reliés entre eux par un immense interlude instrumental de caractère funèbre. Ce mouvement, tout comme l’andante initial de la Neuvième, peut être considéré comme une symphonie à lui tout seul. À lui tout seul, il est presque aussi long que les cinq autres réunis. Les premières mesures fixent l’atmosphère désolée qui va être celle du morceau entier, avec le tam-tam qui semble sonner le glas. Trois récitatifs libres (accompagné par la flûte et les violoncelles) ponctuent les interventions de la soliste. Le grand thème du mouvement, le motif de la vie, est exposé aux violons immédiatement après le deuxième récitatif libre (flûte, contrebasses). La marche funèbre (ut mineur) est à la fois accablée par la morosité, et un immense crescendo, cri de douleur et de mort (l’orchestre semble jouer une véritable mélodie continue de timbres sans cesse renouvelés). Le troisième récitatif, martelé au tam-tam introduit « L’Adieu » proprement dit. Au son du célesta et de la mandoline qui égrènent des arpèges cristallins, la voix reprend sept fois le mot « Ewig » (« éternellement »). La musique coule doucement vers le silence, comme I’ homme dans la solitude de la nature éternelle. L’auditeur est porté ici, en principe! au comble de l’émotion…environ 28 mn

Michel Grialou

Orchestre national du Capitole
Samedi 6 novembre 2021 à 20h00
Site Internet Billetterie en Ligne

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