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Pierre Jammes – Jazz en Comminges

by Administrateur

Les notes de jazz qui retentissent chaque année au printemps dans les rues de Saint-Gaudens doivent beaucoup à Pierre Jammes. Ami de l’artiste Bernard Cadène, cet ancien premier adjoint à la mairie de Saint-Gaudens est le fondateur du festival « Jazz en Comminges » dont la 18e édition se déroulera exceptionnellement du 28 octobre au 1er novembre prochains.

Pas un jour ne passe sans que Pierre Jammes ne lui consacre de nombreuses heures. Rendez-vous divers, dossiers à monter, détails à régler : l’organisation du festival « Jazz en Comminges » dont il fut en 2003 le fondateur est un marathon quotidien qui laisse peu de répit, encore moins à quelques semaines de cet évènement qui rassemble chaque année au moment de l’Ascension plus d’une cinquantaine de musiciens venus du monde entier. « C’est un challenge permanent, car il faut s’occuper d’absolument tout, de la demande de subventions jusqu’aux réservations de chambre d’hôtels et de restaurants en passant par les plateaux techniques etc… Sans le concours des 90 bénévoles de l’association, ce ne serait pas possible » raconte Pierre Jammes.

Depuis dix-neuf ans, ce fringant septuagénaire orchestre de main de maître ce festival qui, en dépit de la rude concurrence représentée par deux évènements majeurs que sont « Jazz in Marciac » dans le Gers et « Jazz sur son 31 » à Toulouse, a su trouver sa place, non seulement dans le foisonnant panorama des festivals de jazz qui ont lieu dans le sud-ouest, mais aussi dans l’estime des mélomanes et des amateurs de cette musique née à la charnière du siècle dernier au sein des communautés afro-américaines installées tout autour du delta du Mississipi. Une musique dans laquelle Pierre Jammes avoue pourtant ne pas avoir baigné dès sa plus tendre enfance, mais qu’il découvrira plus tard et notamment au début des années soixante lorsqu’il pose ses valises à Toulouse pour y faire des études de droit.

Foyers bouillonnants

Les premières années de Pierre Jammes, qui voit le jour en 1942 à Revel, sont en effet plutôt bercées par les accords parfois incertains qu’un père fondu de musique classique joue inlassablement sur son violon. « Je dois dire que cela m’agaçait un peu de le voir jouer du violon tous les jours, surtout quand il grinçait » confie aujourd’hui Pierre Jammes, qui évoque ce souvenir avec un sourire au coin des lèvres et surtout une tendresse évidente pour ce père grâce auquel est venu le goût de la musique classique. « J’ai d’ailleurs longtemps gardé son violon chez moi, avant finalement de le mettre à disposition d’un jeune musicien très talentueux. C’est une forme de transmission, de continuité. Pour le festival, il faudra aussi un jour que je le transmette, que la jeunesse prenne le relais » espère-t-il. Les bonnes volontés seront toujours les bienvenues…

A propos de jeunesse, Pierre Jammes se remémore les sixties, son arrivée dans la ville rose et son inscription à la faculté de droit. Dans ces années-là, Toulouse entretient déjà depuis longtemps des liens très étroits avec le jazz, dont l’ouvrage de Charles Schaettel De briques et de jazz, paru en 2001 et réédité en 2014, a retracé l’histoire. « Il y avait beaucoup de concerts à l’époque, et pas uniquement du jazz, loin de là. Les caves dans lesquelles des groupes se produisaient chaque jour pullulaient à tous les coins de rue » souligne Pierre Jammes. Après les grandes heures de La Tournerie des drogueurs, on se presse notamment au Rag Time, ou au Pharaon, sis alors dans la rue éponyme. Dans le sillage du Hot-Club de Toulouse, qui fut au cours des décennies d’avant-guerre un bouillonnant foyer de passionnés animé notamment par le redoutable et cinglant critique Hugues Panassié, l’Association des Amis du Jazz entretient la flamme jusqu’au début des années 60. Parmi ces « amis du jazz » se trouvaient Michel Laverdure, le guitariste Jean-Paul Terray, et surtout le saxophoniste ténor Guy Lafitte. Ce dernier, figure majeure de la scène jazz française pour ne pas dire plus, disparu en 1998, était précisément originaire de Saint-Gaudens.

Saisons en Comminges

« J’avais fait la connaissance de Guy Lafitte lorsqu’il avait l’habitude de se produire sur la scène de La Rotonde, à Luchon » précise Pierre Jammes. A ce moment-là, le futur fondateur de « Jazz en Comminges » n’a strictement aucune attache à Saint-Gaudens. Après avoir achevé ses études de droit, spécialisées dans le domaine des finances publiques, il intègre l’un des services de ce qui s’appelle aujourd’hui la Sous-direction des affaires économiques et financières, dont relève par exemple la célèbre Brigade financière. Son épouse est enseignante. Elle est un jour nommée à Saint-Gaudens, où le couple s’installe alors. Au fil des ans, dans cette sous-préfecture au pied de laquelle s’ouvre la route des Pyrénées, où le temps passe sans forcer le rythme des saisons ni secouer des habitudes longuement sédimentées, Pierre Jammes se laisse convaincre de s’engager dans la vie municipale. « Ce n’était nullement par goût ou conviction politique, ni pour nourrir une quelconque ambition. J’ai simplement eu envie de servir ma ville, que je considérais comme une belle endormie » explique-t-il.

Dans ce sud-ouest si fortement imprégné du legs radical-socialiste, Pierre Jammes mène tout au long des années 90 le groupe d’opposition municipale face à la majorité PS du député-maire Pierre Ortet. Aux élections de 2001, alternance. Philippe Perrot, issu des rangs de ce qui s’appelait encore le RPR, conquiert l’Hôtel de Ville de Saint-Gaudens. Pierre Jammes, qui a toujours refusé toute étiquette politique, est nommé premier adjoint, un poste qu’il occupera jusqu’à la fin du mandat de Philippe Perrot en 2008. « J’ai toujours été soucieux du développement économique de Saint-Gaudens, du renforcement de son image, de son attractivité, mais aussi de la nécessaire solidarité envers l’ensemble de ses habitants » dit-il.

Balcon sur le jazz

C’est ainsi qu’en 2003, afin de rendre hommage au saxophoniste saint-gaudinois Guy Lafitte disparu cinq ans plus tôt, Pierre Jammes imagine une soirée-concert, qu’il organise avec la veuve du jazzman. Johnny Griffin et Jacky Terrasson sont notamment de la partie. La salle est comble, le succès immense. On joue à guichets fermés jusque tard dans la soirée, sans pouvoir évidemment satisfaire tous les spectateurs avides de quelques notes de jazz. Certains se replient au cinéma Le Régent, où le cinéaste Bertrand Tavernier vient projeter Autour de minuit, son film inspiré de la vie du saxophoniste Lester Young. La séance affiche complet. Devant une telle réussite, Pierre Jammes décide immédiatement de pérenniser le rendez-vous. L’idée d’un festival, au sens propre du terme, nait à ce moment précis. L’artiste Bernard Cadène, qui depuis cette date signe les affiches de « Jazz en Comminges », rejoint l’aventure.

« Au départ, l’idée était de faire de ce festival un ambassadeur du Comminges. Dix-neuf ans après, on peut considérer que c’est chose faite, même s’il faut toujours rester humble. Nous nous sommes attachés à proposer chaque année une programmation de qualité internationale avec des tarifs très modérés. Nous ne faisons pas de première et de deuxième partie. Chaque soir il y a deux concerts de même niveau. D’autre part, nous sommes depuis longtemps convaincus qu’il faut favoriser l’accès du plus grand nombre à la musique, quelles que soient les conditions dans lesquelles vivent les gens. C’est pourquoi bien des actions de notre association se déroulent en dehors du festival, dans des maisons de retraite par exemple, ou à l’Hôpital des enfants de Toulouse.  Je continue à vouloir faire adhérer le plus de monde possible autour de cette belle idée » conclut Pierre Jammes. A la fin du mois et comme chaque année depuis 2003, c’est en compagnie d’une pléiade d’artistes de renom (Marcus Miller, Joshua Redman…) que le fondateur de « Jazz en Comminges » prolongera cette aventure…

Nicolas Coulaud

Photos  :  Pierre Beteille /  Culture 31



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